Depuis le début de cette année, nous avons connu un véritable chamboulement, tant dans nos vies privées que professionnelles. Et c’est précisément au croisement de celles-ci que s’est invité le télétravail.
Si la Belgique occupe une belle place européenne quant au recours au télétravail, nous sommes globalement peu enclins à le privilégier (20% jusqu’en 2019). Jusqu’au début 2020, le télétravail était plutôt partiel et présent dans les grandes structures. Par ailleurs, c’est le temps de déplacement qui encourageait cette organisation, plus qu’une réelle envie de remodeler l’organisation. Bruxelles est, d’ailleurs, le lieu privilégié où les entreprises se prêtent au télétravail.
Avec l’arrivée de l’actuelle crise sanitaire, les entreprises ont dû s’adapter.
En mars, l’apparition d’un nouveau mot « Confinement ».
Avec lui, l’obligation d’aménager nos maisons en lieu de travail, adoptant à tour de rôle les casquettes d’instituteur(rice), gardien(ne) d’enfant et travailleur performant ou manager de l’année. C’est donc comme ça que le nombre de personnes qui télétravaillent et que le nombre de jour télétravaillés par semaine ont augmenté pour atteindre près de la moitié des travailleurs. Ceci n’a pas été sans poser des questions d’ajustement.
Un peu de juridique
Selon le droit du travail, les employeurs ne peuvent normalement pas obliger leurs travailleurs à télétravailler et les travailleurs ne peuvent pas l’exiger.
Toutefois, les mesures décidées sont d’ordre public et doivent être respectées par tout individu se trouvant sur le sol belge. Au vu des circonstances, il ne fait donc aucun doute qu’une entreprise peut donc obliger ses travailleurs à exécuter du télétravail lorsque ce télétravail est possible.
En vertu de l’article 17, 2° et 4° de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, les travailleurs sont tenus de respecter cette obligation.
Par ailleurs, il nous semble important ici, comme nous l’avons fait chez nos clients, de distinguer le télétravail régulier, tel que régi par la CCT 85 (on vise ici le télétravail effectué de façon constante, régulière et permanente) du télétravail occasionnel, organisé par la loi de 2017 qui concerne les situations exceptionnelles (telle que connue actuellement). Il est intéressant de rappeler que seul le télétravail régulier prévoit une obligation d’indemnisation de l’employeur. Pour ce qui est du télétravail occasionnel, il n’existe aucune obligation d’intervention. Il se peut néanmoins que le travailleur et l’employeur s’accordent sur une prise en charge des frais causés par le télétravail.
Bien plus, concernant les prestations et les horaires, il pourra être opportun que les deux parties s’accordent sur une (nouvelle ?) organisation du travail, peut-être plus flexible permettant ainsi d’adopter à tour de rôle les différentes casquettes exigées.
Un peu de sécurité
Avec cette nouvelle organisation vite mise en place, les enjeux de sécurité et de confidentialité se sont posés. En plus de la sécurité des travailleurs, c’est également celle des actifs de l’entreprise qu’il a fallu protéger.
Ainsi, afin d’encadrer et sécuriser efficacement les accès à distance au système d’information, les procédures encadrant la sécurité informatique ont dû être revues pour vérifier leur adaptation à ce contexte particulier. Mi-décembre, le Centre Cybersécurité Belgique (CCB) a reçu 2,8 millions de signalements en ce sens cette année (1million de plus qu’en 2019). Chez E&V Partners, nous avons accompagné nos clients dans la mise en place rapide de politiques et de mesures visant la sécurité de l’information (ISO 27001, 27005)
Dans la sécurité, nous épinglons également le risque psychosocial couru par chacun dans cette logique de télétravail puisqu’en effet, ce sont également les valeurs et les cultures d’entreprise qui sont depuis questionnées.
Vers un nouvel engagement ?
Lors de la webconférence du SPF Emploi, Anne Dumbruch de Liantis a parlé des répercussions de la crise sur le travail. (La conférence est disponible via le lien https://www.youtube.com/watch?v=WYZiQaB3f2I ).
Elle a classifié en 3 catégories les retours d’expérience de travailleurs suite aux répercussions du COVID dans l’entreprise.
D’une part, il se peut que la vision des travailleurs s’est confirmée, tant négativement que positivement. Elle illustre le propos par l’expérience d’une entreprise de construction d’une centaine de personnes. La direction a communiqué très régulièrement et de manière très rassurante, tant sur la santé de l’entreprise (et les mois de chantiers garantis qui attendaient) que sur le rappel bienveillant des mesures à travers la distribution de kit sanitaires. Les employés et commerciaux ont implémenté des groupes de travail plus stratégiques.
D’autre part, dans certains cas, la vision des travailleurs a été négativement modifiée. Elle évoque l’exemple d’une boucherie comptant 5 travailleurs. Les travailleurs ont toujours fait preuve de flexibilité autour d’un souhait commun de satisfaction de la clientèle. Lors de la crise, les demandes n’ont pas significativement diminué mais l’employeur a décidé d’invoquer le chômage économique une semaine sur deux. Ceci a été vécu comme une injustice et la mission de satisfaction de la clientèle était en péril avec un effectif réduit de moitié. C’est ainsi que la vision a changé négativement
Enfin, dans certaines situations, la vision a été positivement modifiée. Elle illustre alors des techniciennes de surface dans une maison de repos qui se sont senties valorisées dans leur métier, dans tous ces aspects au-delà du nettoyage lors du contact rassurant avec les résidents. Le travail a pris du sens. Rien n’a changé dans la tâche, juste la vision.
Voilà 3 catégories qui nous prouvent que ce n’est pas juste le COVID qui a un impact, c’est la manière dont il est assimilé dans l’organisation.
L’importance de se connecter et de s’accorder
Pour conclure, nous dirons qu’il n’existe pas de formule magique et que plus que jamais, il sera important pour les managers d’être connecté avec la réalité du travail en étant proche du terrain et des équipes. Plus que jamais la machine à café doit reprendre sa place de lieu de rencontre. Chaque organisation doit alors penser à la réinventer virtuellement (espérons le brièvement)
Pour chacun, travailleurs ou ligne hiérarchique, il s’agira d’écouter avec empathie afin de comprendre l’autre dans sa vision du travail et dans son environnement spécifique. Chacun a dû gérer des situations familiales complexes, des angoisses plus ou moins envahissantes… Alors, imposer un horaire 9h – 17h à une employée étant seule avec 2 enfants/ados nous semble utopique. De même, si octroyer 2h de pause (et faire glisser ces 2h en soirée) à un travailleur pour lui permettre de faire un footing en pleine journée lui permet d’être plus apaisé, l’organisation va-t-elle y perdre beaucoup ?
Ces nouvelles flexibilités ne pourront que renforcer l’engagement et le soutien des travailleurs à l’organisation. Ce n’est pas plier, ou perdre la face, c’est s’adapter et jouer avec les dés que cette mésaventure nous a donné ! Car ils sont eux, les meilleurs ambassadeurs !
Si la COVID reste une épreuve il pourra aussi constituer une opportunité pour se réinventer, se reconstruire. Il aura permis de développer ou de prendre conscience des ressources en chacun.